Les parents de B.A.B.I. sont épuisés par le rythme imposé par leur bébé si spécial, et accablés par les conseils inappropriés et les reproches qu’ils subissent de la part des professionnels de la santé, de leur entourage, des passants, des commerçants etc. Chacun y va de son petit couplet culpabilisant.
Afin de vous aider à vivre le mieux possible les premières années aux côtés de votre B.A.B.I., voici les conseils les plus bénéfiques prodigués par les professionnels accompagnants des B.A.B.I. et par les parents de B.A.B.I. devenus grands.
Une sorte de guide de (sur)vie au quotidien.
Déculpabilisez !
Les parents de B.A.B.I. se questionnent et s’inquiètent beaucoup sur les causes qui ont pu engendrer ce petit être en détresse permanente : les événements vécus pendant la grossesse sont disséqués, analysés, repassés en boucle ; les évènements liés à la naissance et aux premières heures de la vie du bébé sont revécus à l’aune de cette hypersensibilité ; la génétique et l’hérédité sont invitées à rejouer la même histoire, l’un des parents découvrant très souvent qu’il a été un B.A.B.I. lui-même. Ces ressassements laissent place à des ressentiments et ces ressentiments sont le terreau d’une immense culpabilité de la part des parents, souvent surtout de la mère. Ajoutez à cela des discours de soi-disant experts, psychanalystes freudiens en tête, et tout est en place pour que personne ne trouve sa place, ni de mère, ni de père, ni d’enfant. Le burn-out et la dépression des parents guettent et l’enfant, qui ressent le mal-être de ses figures d’attachement, soit se résigne, esseulé, soit devient de plus en plus maussade. Une spirale infernale s’installe, tirant tout le monde vers le fond. Pour la casser : déculpabilisez, reprenez confiance en vous-même et en votre bébé.
Concrètement :
Arrêtez de vous focaliser sur les causes, sur ce qui aurait pu être évité etc. Le passé est passé, vous ne pouvez pas revenir en arrière, vous ne pouvez plus le changer. Il est passé. Faites de cette phrase votre nouvelle maxime et répétez-vous la autant que nécessaire : le passé est passé. Vivez le présent et tournez-vous vers l’avenir afin d’accompagner au mieux votre enfant.
Les conceptions sur les « troubles affectifs et comportementaux de l’enfance » sont allés tantôt vers la culpabilisation des parents, tantôt vers le fatalisme d’une personnalité innée qu’aucun moyen ne peut aider à remédier. Désormais nous savons que « Ce n’est pas votre faute, mais la solution est entre vos mains » (Cf. le premier chapitre de l’ouvrage de Stanley Greenspan « Enfant difficile, enfant prometteur »).
Dans le cas d’enfants aux profils atypiques, les difficultés arrivent trop vite et en trop grand nombre. Nous cédons à l’inquiétude, à la panique de ne pas y arriver, ou nous résignons à notre propre incompétence. Mais des solutions existent ! Ceci étant, c’est un savoir-faire qui n’est pas immédiat. C’est avec le temps que vous apprendrez à infléchir favorablement l’interaction entre la nature (les prédispositions biologiques de votre enfant) et le milieu (son éducation, son environnement). Nous sommes tous victimes du préjugé selon lequel nous devrions être des parents parfaits en toutes circonstances. Or, la plupart d’entre nous apprend sur le tas, le plus souvent auprès de ses propres enfants.
Laissez donc votre bébé vous guider et reprenez confiance en vous. N’hésitez pas à (re)lire les ouvrages qui vous font du bien et vous redonnent du baume au cœur !
Réalisez que votre enfant est unique
Faites abstraction des idées reçues, oubliez les bébés décrits dans les livres et les sites de puériculture. Faites table rase des conseils de l’entourage, de la famille. Concentrez-vous sur votre bébé, sur ce qu’il est et ce dont il a besoin. Il est un individu à part entière et, en cela, il est unique. Ce qui fonctionne pour les autres ne fonctionnera probablement pas pour votre bébé… et ce qui fonctionne pour lui change tout le temps ! Il ne correspond pas aux cases et modèles standards préétablis ? et alors ? Il est unique et en cela il est précieux. Votre rôle de parent est de préserver la personnalité unique de votre bébé en l’accompagnant de manière adaptée au regard de ses besoins à lui, pas de ceux du bébé moyen des ouvrages, sites et documentaires TV de puériculture. Observez-le, écoutez-le, écoutez-vous (votre instinct de parent vous parle plus souvent que vous ne l’imaginez), répondez-lui avec empathie et bienveillance, c’est vous qui êtes à la meilleure place pour le faire, pas les pédopsy des magazines.
Ne comparez pas
Ne VOUS comparez pas : élever différemment un enfant ne signifie pas l’élever mal. Oui, vos méthodes pour prendre soin de votre bébé n’ont rien à voir avec celle des autres parents. Car oui, votre bébé n’a rien à voir avec les autres bébés. Et non, vous ne « cédez pas à ses caprices », vous répondez à ses besoins intenses de bébé hypersensible ! Vos méthodes sont les mieux adaptées à votre bébé, un point c’est tout.
Ne LE comparez pas avec les autres : Si vous comparez votre bébé aux autres, vous risquez de vous affoler. Cela peut renforcer votre sentiment négatif et l’idée que tout est de votre faute. Regardez objectivement votre enfant, portez le moins de jugements possibles, aimez-le tel qu’il est. Relevez les aspects positifs de sa personnalité et optez pour une démarche descriptive et émotionnelle : « je t’entends pleurer très fort, je pense que tu te sens frustré de ne pas pouvoir attraper ce couteau, la frustration c’est désagréable mais ça passe, on va trouver une solution ensemble, je pense que tu aimes ce couteau parce qu’il brille, le problème c’est qu’il est tranchant, voyons si on peut trouver autre chose de brillant à prendre, c’est intéressant d’observer ce qui brille, tu adores ça, on va bien s’amuser à chercher des objets brillants ». Bannissez la démarche jugeante et souvent accusatrice qui a été inculquée à la plupart d’entre nous : « tu es gentil/tu es méchant, tu es sage/tu es pénible, tu sens bon/tu sens mauvais, tu fais bien/tu fais mal, tu es beau/tu es laid… ».
Regardez les côtés positifs de votre enfant
Ne vous laissez pas enfermer dans des sentiments négatifs. Les B.A.B.I. ont de nombreuses qualités, repérez-les, soyez-en fièr(e). Voir les qualités uniques de votre bébé vous permettra de vous occuper de lui plus sereinement. Les B.A.B.I. sont généralement éveillés, curieux, sensibles et attachants. Ces qualités, corrélées aux besoins intenses qu’ils manifestent, font émerger chez les parents des qualités qu’ils ne soupçonnaient pas avant d’avoir leur B.A.B.I. Ce qui fait dire au Dr. Sears que « un bébé aux besoins intenses peut mettre en valeur le meilleur côté de parents responsables ».
Votre B.A.B.I ne se contente pas d’un niveau de soins inférieur à ses besoins et vous le fait comprendre très fort. C’est positif car cela signifie qu’il a assez de caractère pour affirmer sa personnalité et communiquer ses besoins. Il apprend à s’attacher à des personnes plutôt qu’à des choses (doudou, tétine…). C’est donc un bébé qui s’affirme et qui s’attache. En cela, il va vous guider afin que vous développiez votre capacité à lui prodiguer des soins attentionnés, pourvus que vous demeuriez ouvert(e) et attentive(if) à ses besoins et y répondiez sans restriction. L’écouter et lui répondre de manière attentive et affectueuse permet à la relation parent-enfant d’évoluer vers une plus grande sensibilité réciproque (le bébé améliore ses comportements d’attachement, les parents identifient plus facilement ses besoins). En devenant plus attentifs l’un à l’autre, vous vous apprécierez davantage.
Priorisez votre sommeil et celui de votre B.A.B.I.
Un bébé intense dort très peu. Il peut vous réveiller plus de 10 fois par nuit, quand il accepte de s’endormir. Alors pour ne pas sombrer physiquement et nerveusement, dormez lorsque votre bébé dort. Résistez à la tentation d’effectuer quelque tache que ce soit lorsqu’il vous laisse un peu de répit. Plus que tout autre parent, vous avez impérativement besoin de ce temps de repos pour recharger vos « batteries », et continuer ensuite à répondre aux besoins intenses de votre bébé.
Vous avez forcément constaté que vos bras sont le seul endroit où votre B.A.B.I. accepte de s’endormir. La nuit aussi, dans le lit parental, collé à vous, ou sur vous. Vous allez donc probablement faire partie des (très) nombreux parents qui partagent le sommeil de leur enfant, qui cododotent (de l’anglais co-sleeping). Une pratique largement répandue et adaptée aux besoins des bébés, rassurez-vous, et très bien documentée notamment par Claude-Suzanne Didierjean-Jouveau dans son petit ouvrage « Partager le sommeil de son enfant ». Renseignez-vous pour adapter votre mode de couchage de la façon la plus sûre et la plus confortable possible… et dormez !
Soyez infiniment patient(e)
Donnez du temps à votre bébé pour évoluer. Acceptez sa personnalité. N’entrez pas en lutte avec lui pour l’obliger à s’adapter, à être « autonome » (voir notre post sur cette notion d’autonomie). Il pleure beaucoup, vous ne pouvez pas toujours l’empêcher et le soulager, mais au moins vous êtes là. Avec le temps, tout finira par s’arranger.
« Vivre avec l’un de ces bébés demande une patience et une endurance exceptionnelles ainsi qu’une compréhension de [la part de] l’entourage qui n’est pas toujours facile à obtenir. (…)Les parents d’un bébé à besoins accrus (en anglais high-need babies) souffrent du manque de compréhension de ce qu’ils vivent. Les solutions simplistes ne fonctionnent tout simplement pas avec ces bébés. » Isabelle Brabant, « Vivre sa grossesse et son accouchement. Pour une naissance heureuse » (éd. Chronique Sociale, 2003)
Économisez-vous
Les besoins de votre bébé sont votre priorité. Ayez cependant conscience de vos propres besoins et limites. Vous ne pouvez pas vous occuper d’un bébé épuisant si vous êtes vous-même complètement exténué(e). Concentrez-vous sur l’indispensable (pour vous, dormir ou prendre une douche par exemple) et laisser le reste de côté (les tâches ménagères par exemple). Faites-vous aider pour tous les à-côtés (livraison des courses etc.).
Prenez de la hauteur
Ne perdez pas votre énergie sur des détails, les petits soucis se résoudront d’eux-mêmes. Consacrez votre énergie à ce que vous pouvez réellement changer et là où vous pouvez faire la différence. Ayez des attentes réalistes et soyez flexibles (par rapport aux notions d’autonomie ou de propreté des bambins par exemple). Travaillez votre lâcher-prise permettra d’économiser votre énergie et de préserver votre moral. La relation avec votre bébé n’en sera que plus agréable.
Préservez votre bien-être à materner
Durant les premiers mois, un bébé a besoin d’être nourri, porté, rassuré. Répondre à ses besoins est votre devoir de parent. Mais par la suite, si vous commencez à materner votre bambin à contrecœur, vous risquez de ressentir de la rancœur envers lui. Repérez vos propres limites, et acceptez d’imposer un peu de frustration à votre bambin quand il n’y a pas moyen de faire autrement (quelques minutes d’attente pour la tétée, le temps de vous isoler avec lui dans un endroit plus propice, par exemple).
Votre maternage/parentage va évoluer au fur et à mesure que votre bébé grandira afin de se situer au juste équilibre entre « répondre aux besoins du bébé » et « ne pas dépasser vos capacités à le faire ». Cela permettra de ne pas persister dans un style de maternage/parentage qui ne conviendrait plus et qui risquerait de vous aigrir et de vous faire éprouver de la rancune envers votre enfant.
Soutenez et défendez votre B.A.B.I. mordicus
Pour vivre sereinement cette période et accompagner au mieux votre B.A.B.I. les maîtres mots sont : infinie patience, infinie bienveillance, adaptation, confiance, défense.
Défendez votre B.A.B.I., envers et contre tous, c’est vous qui le connaissez le mieux, personne d’autre. Ne sortez pas sans votre bouclier, car les gens qui n’ont pas vécu ce que vous vivez transforment facilement leur parole en épée extrêmement blessante. Ne les laissez pas vous fragiliser et vous faire du mal, à vous et votre B.A.B.I. Quant à votre entourage, il se permettra moins de commentaires désobligeants s’il vous voit sûr(e) de vous et vos actions. N’hésitez pas à vous opposer tranquillement mais fermement à son ingérence dans votre rôle de parent (et la loi est de votre côté : l’autorité parentale vous appartient, à vous et personne d’autre). Doutez et questionnez-vous uniquement auprès de personnes bienveillantes qui peuvent vous écouter, vous comprendre, vous accompagner dans votre cheminement de parent de B.A.B.I.
Écrivez ce que vous vivez
Rédiger un journal, ou un blog, permet de faire le point sur ses sentiments, sur ce qui fonctionne ou non, et de mettre en lumière les moments positifs vécus avec son bébé, ainsi que ses progrès. Cela demande de la régularité et de la persévérance, ce n’est pas facile, surtout si vous exercez une activité professionnelle. Ne vous en voulez pas si vous n’y parvenez pas, vous pourrez poursuivre plus tard, quand votre B.A.B.I. aura grandi et que vous aurez un peu plus de temps et d’énergie.
Sortez
Un espace ouvert comme un parc, une forêt ou une grande aire de jeu peut captiver un enfant aux besoins intenses, qui peut ainsi laisser un peu de répit à son parent stressé.
Les papas, votre soutien est primordial
Ne doutez pas de vos compétences de père même si parfois vous pouvez vous sentir frustrés. Car ce sont les mères qui sont, sauf exceptions, en première ligne pour s’occuper d’un B.A.B.I., qui par définition n’accepte aucun substitut maternel. Le rôle du père et son soutien deviennent alors primordiaux. Le père reconnaît la particularité de son enfant, l’accepte tel qu’il est, ce qui lui permet d’être alors accepté par le bébé en retour.
Le père soutient le maternage de la maman et les choix qu’elle juge les meilleurs pour leur enfant. Il soutient la maman face au monde extérieur et la défend systématiquement lors des jugements et attaques personnelles que ne manque pas de lui adresser l’entourage. Il fait comprendre aux proches que toute aide est bienvenue, dans la mesure où on accepte le bébé tel qu’il est, qu’on ne lutte pas pour qu’il s’adapte aux autres et à l’idée qu’on se fait d’un bébé « normal » et « comme il faut » : « Notre enfant est comme ça, que cela vous plaise ou non ».
Idéalement, le père soulage la mère de tous les aspects matériels et gestion du foyer (courses, tâches ménagères, repas, paperasses administratives etc.). Il est présent aussi souvent et aussi longtemps que possible auprès de la mère et du bébé, en étant réellement dans « l’ici et maintenant » et utile au binôme mère-B.A.B.I. qu’il aide et soutient pleinement.
Les 3 ingrédients indispensables
S’il n’y a pas de recette miracle, les témoignages des parents qui estiment avoir surmonté la longue période « intense » de leur enfant, révèlent néanmoins en majorité que ce qui facilite la vie quotidienne et nourrit les liens parents-B.A.B.I. sont :
- l’entraide et le soutien indéfectibles du père auprès du binôme mère-enfant,
- le maternage centré sur les trois principaux items de l’allaitement, du portage et du co-dodo,
- et l’amour inconditionnel porté à leur enfant qui permet de pouvoir s’approprier les conseils mentionnés plus haut.
Dans Je suis né un jour bleu, éd. J’ai lu, 2009, Daniel Tammet, atteint du syndrome d’Asperger donc absolument non-représentatif des B.A.B.I. dans leur ensemble, résume néanmoins avec justesse la stupéfaction de ses parents face à lui et leur amour inconditionnel qui leur permit de s’adapter à ce bébé si spécial :
« L’appartement de mes parents était petit. Mon berceau se trouvait dans un coin de leur chambre à coucher. Dès leur retour de l’hôpital, mes parents constatèrent que malheureusement il était impossible de m’y coucher. Je ne voulais pas dormir, je pleurais sans arrêt (et d’une traite). Ma mère m’allaita pendant dix-huit mois, en partie parce que c’était l’une des seules manières de me calmer. (…) Le mouvement était une autre façon d’apaiser mes pleurs. Mon père me berçait régulièrement dans ses bras, parfois pendant plus d’une heure. Parfois il mangeait d’une main pendant que, de l’autre, il continuait à me bercer. (…) Bientôt il n’y eut plus ni de jour ni de nuit car la vie de mes parents s’organisa en fonction de mes pleurs. » p. 15
Lire la suite : Que devient un B.A.B.I. une fois enfant ?